Pubblichiamo l’incipit in italiano e in francese di Ciò che stringi nella mano destra ti appartiene, di Pascal Manoukian, tradotto da Francesca Bononi.
Karim e Charlotte vivono a Parigi e sono in attesa del loro primo bambino. Lui è figlio di algerini musulmani, lei di armeni cristiani, ma l’unica religione che riconoscono è «la loro felicità». Una sera, mentre è fuori con le amiche, Charlotte rimane vittima di un attentato terroristico al bistrot Zébu Blanc, dove due uomini armati di kalashnikov aprono il fuoco sui tavolini all’aperto. A rendere ancora più insopportabile la duplice perdita di Karim è una scoperta atroce: uno dei due jihadisti che ha ucciso Charlotte è Aurélien, suo compagno di classe alle elementari.

Ciò che stringi nella mano destra ti appartiene è disponibile in libreria e sul nostro sito. Buona lettura da 66thand2nd!

«Come definireste complessivamente la vostra vita? Felice, molto felice, infelice o molto infelice?». La domanda viene proiettata in una sequenza di parole blu sul muro della sala riunioni.

Charlotte non se lo chiede mai. È una trentenne che per lavoro va a caccia di tendenze e che, tra un aereo e l’altro, cerca un appartamento in un’area molto circoscritta dell’undicesimo arrondissement di Parigi, tra rue de Crussol, rue Amelot e passage Saint-Sébastien.

Annoiata, prova a rivolgere la domanda a sé stessa in attesa di veder apparire la risposta. A quanto pare il suo ottimismo non è granché condiviso. Solo il quarantatré per cento dei francesi si dichiara pienamente soddisfatto, contro il novantatré per cento degli abitanti delle isole Figi. Chissà come mai nell’arcipelago sono così felici. Charlotte va di nascosto su Google. Il 4G la porta in riva a uno specchio d’acqua azzurro, quasi trasparente. Sul telefono vede scorrere una vita da cartolina: cielo terso, sole implacabile e palme chine sulla sabbia come portatori di ombrelli. Niente a che fare con quello che rende felice lei, ovvero solo quindici giorni all’anno, quando va bene, con la pancia a galla nel mare cristallino, tutta spalmata di crema e lucida, come i carapaci delle tartarughe che affollano lo schermo del suo iPhone.

No, lei ha bisogno delle stagioni per sentirsi viva.

La primavera per prendere decisioni. L’estate per il piacere di lasciarle in stand-by. L’autunno per affrettarsi a metterle in pratica. E l’inverno per rimandarle a un altro momento. Adora il contrasto, i cicli. Se non ci fossero, la Terra tornerebbe a essere piatta, priva di linee di fuga, circondata da confini terribilmente rettilinei. Alle Figi avrebbe la sensazione di andare a sbattere sempre contro lo stesso paesaggio, di vivere intrappolata dentro una di quelle calamite che si comprano nei negozi di souvenir.

Il relatore cerca la sua attenzione con lo sguardo. Lei mette via il telefono. Il proiettore prosegue con la seconda domanda. Il sondaggio, le hanno spiegato, è volto a stabilire un indice di fiducia nel futuro su un anno.

Le luci calano un’altra volta.

«Credete nel miglioramento economico del paese?». Charlotte è piuttosto scettica al riguardo. A giudicare dal suo inizio di carriera, sembrerebbe tutto il contrario. Un contratto a tempo determinato dopo sei anni di Economia, di cui due trascorsi all’estero, per non parlare dei quarantotto mesi di stage vari e interminabili. Suo padre, a sessant’anni, sta per andare in pensione dopo aver lavo- rato tutta la vita nella stessa gioielleria del suo apprendistato. Come dire? Sembra proprio che, in controtendenza rispetto all’evoluzione umana, i salariati siano passati dalla posizione eretta a quella distesa.

Anche questa volta la risposta è spiazzante: in quanto ad aspettativa economica, la Papua Nuova Guinea supera la Francia di cinquantasei posti! Non c’è che dire: il futuro è nelle mani degli arcipelaghi. Cosa mai renderà i papuani così sicuri di sé? Charlotte immagina i loro corpi dipinti, i nasi infilzati da ossa. Il relatore passa un attimo davanti al proiettore. Il suo viso si tatua di blu. Sembra un capotribù.

Una nuova raffica di parole crivella il muro con l’ultima domanda.

«Sul piano personale, pensate che il prossimo anno sarà più promettente di quello che si sta concludendo?».

Charlotte sorride. Questa volta non ce n’è né per i figiani né per i papuani. I mesi a venire saranno suoi. Nessuno sarà più felice di lei, in nessun arcipelago del mondo.

Il relatore riaccende le luci.

Charlotte ne se la pose pas. À trente ans, elle chasse les tendances pour un bureau de style et, entre deux avions, cherche un appartement dans un petit territoire du onzième arrondissement de Paris, circonscrit par la rue de Crussol, la rue Amelot et le passage Saint-Sébastien.

Agacée, elle féminise mentalement la formulation et attend la réponse. Visiblement son optimisme n’est pas partagé. Seulement quarante-trois pour cent des Français se déclarent pleinement satisfaits contre quatre-vingt-treize pour cent des habitants des îles Fidji. À quoi donc peut ressembler le bonheur dans l’archipel ? Elle googelise discrètement. La 4G la transporte au bord d’un lagon bleu tendre. Sur son téléphone défile une vie de prospectus : un ciel passé au tamis, un soleil de duel et des palmiers penchés sur le sable comme des porteurs de parasol. Rien à voir avec ce qui la rend heureuse, ou quinze journées par an, peut-être, le ventre pointé hors des eaux transparentes, enduite de crème et rutilante, à l’image de ces carapaces de tortues qui encombrent maintenant l’écran de son iPhone.

Non, il lui faut des saisons pour se sentir exister.

Le printemps pour prendre des résolutions. L’été pour le plaisir de les mettre entre parenthèses. L’automne pour se dépêcher de les tenir. Et l’hiver pour remettre finalement le tout à plus tard. Elle aime le contraste, les cycles. Sans eux, la terre redeviendrait plate, dépourvue de lignes de fuite, cernée de bords désespérément rectilignes. Aux Fidji, elle aurait l’impression de se heurter sans cesse au même cadre, le sentiment de vivre enfermée à l’intérieur d’un magnet de frigidaires.

L’intervenant cherche son attention du regard. Elle se déconnecte. Le projecteur enchaîne sur la deuxième question. Le sondage, lui a-t-on expliqué, est destiné à établir un indicateur mondial de confiance en l’avenir sur une année.

Le noir se fait à nouveau.

« Croyez-vous en l’amélioration économique du pays ? » Elle  en  doute.  Son  début  de  carrière  tend  même  à  la convaincre du contraire. Un premier CDD, après six ans d’études  de  commerce  dont  deux  à  l’international,  sans oublier les quarante-huit mois de stages divers et interminables. À soixante ans, son père met fin à une vie d’employé dans la bijouterie de son apprentissage. Comment  dire ?  Il  lui  semble  qu’à  l’inverse  de  l’espèce humaine,  les  salariés  sont  sournoisement  repassés  de  la position debout à la position couchée.

Une nouvelle fois, la réponse la surprend : en matière d’espoir   économique,   la   Nouvelle   Guinée   Papouasie

devance la France de cinquante-six places ! Décidément l’avenir appartient aux archipels. Qu’est-ce qui peut bien rendre les Papous si sûrs d’eux ? Elle s’imagine les corps peints, les nez percés d’os. L’intervenant passe un instant devant le projecteur. Son visage se tatoue de bleu. On dirait un chef de tribu.

Une nouvelle rafale de mots crible le mur de la dernière interrogation.

« Sur le plan personnel, pensez-vous que l’année prochaine sera plus prometteuse que celle qui s’achève ? »

Charlotte sourit. Cette fois, elle ne craint ni les Fidjiens ni les Papous. Les mois à venir seront les siens. Personne ne sera plus heureux qu’elle, dans aucun archipel.

L’intervenant rallume la salle.

Selon les sondeurs, toutes questions confondues, le Nigeria arrive en tête des soixante-cinq nations consultées. L’Etat le plus peuplé d’Afrique, le pays où l’homosexualité se voit réprimée de quatorze ans d’emprisonnement, celui où les djihadistes de Boko Haram harcèlent l’armée pour instaurer la charia, devance en matière d’optimisme la France, classée bonne avant-dernière, largement dépassée par l’Irak et l’Afghanistan.

Charlotte se demande comment son bonheur peut être entouré d’autant de désespoir. Des terrasses des cafés, du petit périmètre où elle cherche un appartement, rien ne laisse entrevoir un tel podium. Elle n’ignore rien des lignes de fractures, bien sûr. Les chiffres du chômage, la grande misère, les gens dans la rue, les travailleurs pauvres, les files devant les Restos du cœur, les contrôles au faciès, mais aucune de ces blessures ne lui semble aussi désespérante que les images qui lui arrivent chaque jour du Mali, d’Irak ou de Syrie.