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Il “ventimilionesimo” figlio. Un estratto da Figli del diavolo di Liliana Lazar

Pubblichiamo un estratto di Figli del diavolo, una storia toccante sulla maternità durante la dittatura di Ceauşescu degli anni ‘80. Il romanzo di Liliana Lazar pubblicato in Francia da édition Seuil è stato tradotto in Italia da Camilla Diez.

Il libro è già disponibile in libreria e sul nostro sito.

Buona lettura da 66thand2nd!

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Nel paese, la politica demografica del presidente dava i suoi frutti. Quella sera Elena e suo figlio stavano guardando un documentario sul «ventimilionesimo» romeno. La soglia era stata superata il 20 giugno 1969. Il bambino scelto per rap­presentare quel numero simbolico era un maschietto di pura ascendenza romena, che incarnava la vitalità dell’intera nazio­ne. La cronaca non diceva che gli zingari nati quel giorno erano stati tutti scartati. Fuori anche i bambini di campagna, troppo miserabili per incarnare «l’uomo nuovo». I genitori del «ven­timilionesimo» erano impiegati di città, luogo per eccellenza della modernità socialista. Il bambino era stato seguito per tutti quegli anni dalle telecamere della televisione di Stato. Ec­colo subito dopo la nascita, tra le braccia di Ceaus‚escu, poi du­rante il primo giorno di scuola, poi mentre festeggia il decimo compleanno, sempre in compagnia del Compagno Presidente. Il reportage finiva mostrando il «ventimilionesimo», ormai adolescente, che varcava la soglia di un liceo militare. Mentre le immagini sfilavano sullo schermo, Elena non poté fare a me­no di immaginare Damian al posto di quel ragazzo.
Seguì una trasmissione su un orfanotrofio modello. Uno dei tanti che erano stati costruiti negli ultimi anni. I bambini apparivano puliti e ben nutriti. Secondo il reportage, i bambi­ni nati grazie al decreto 770-1966, che vietava l’aborto, erano due milioni. «Un paese forte è un paese popoloso» martellava il cronista. Alla vista di quei bambini educatamente seduti at­torno a un tavolo, Damian chiese alla madre:
«Tu l’hai mai visto, un orfano?».
«Sì, a Bucarest» fece Elena con aria assente.
«I loro genitori sono morti, come il mio papà?».
«No, non sempre».
«Allora perché non si occupano più dei loro figli?».
«Perché non li amano. Io ti amo più di qualsiasi altra cosa al mondo. Tu sei un figlio di Dio, non te lo dimenticare».
«E quegli orfani non sono figli di Dio?».
Elena si alzò per spegnere la tv.
«No. Loro sono figli del…».
Non osò pronunciare la parola «diavolo» per paura di spaventarlo.
«Loro sono un’altra cosa» disse infine.

***

Dans le pays, la politique nataliste du président portait ses fruits. L’émission télévisée qu’Elena et son fils regardaient ce soir-là était un documentaire sur le «vingt millionième» Roumain. La barre avait été franchie le 20 juin 1969. L’enfant choisi pour représenter ce nombre symbolique était un garçon de pure ascendance roumaine. Il incarnait à lui seul la vitalité de toute une nation. Le commentaire ne disait pas que les Tziganes nés ce jour-là avaient tous été retirés de la sélection. Exit aussi les enfants de la campagne, trop misérables pour incarner l’«homme nouveau». Les parents du « vingt millionième » étaient des employés vivant en ville, lieu par excellence de la modernité socialiste. L’enfant avait été suivi toutes ces années par les caméras de la télévision d’État. On le voyait juste après sa naissance, filmé dans les bras de Ceausescu, puis faire sa première rentrée des classes, fêter son dixième anniversaire, toujours en compagnie du Camarade Président. Le reportage finissait en montrant le «vingt millionième» devenu adolescent qui franchissait le portail d’un lycée militaire. Pendant que les images défilaient sur l’écran, Elena ne put s’empêcher d’imaginer Damian à la place de ce garçon. Suivit une émission sur un orphelinat modèle. Un parmi tant d’autres que l’on avait bâtis ces dernières années. Les enfants y étaient propres et bien nourris. D’après le reportage, on estimait à deux millions le nombre d’enfants nés grâce au décret 770‐1966 qui prohibait l’avortement. «Un pays fort est un pays peu‐plé», martelait le chroniqueur. À la vue de ces enfants sagement assis autour d’une table, Damian demanda à sa mère:
– T’en as déjà vu, toi, des orphelins ?
– Oui, à Bucarest, fit Elena, l’air absent.
– Leurs parents, ils sont tous morts, comme mon papa ?
– Non, pas toujours.
– Alors pourquoi ils s’occupent plus de leurs enfants ?
– Parce qu’ils ne les aiment pas. Moi je t’aime plus quetout au monde. Tu es un enfant de Dieu, ne l’oublie pas.
– Et ces orphelins, c’est pas des enfants de Dieu ?
Elena se leva pour éteindre la télé.
– Non. Eux, ce sont des enfants du…
Elle n’osa pas prononcer le mot « diable », de peurd’effrayer le petit.
– Eux, ce n’est pas pareil, finit-­elle par dire.

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